- INGÉRENCE HUMANITAIRE
- INGÉRENCE HUMANITAIREINGÉRENCE HUMANITAIRELa question de l’ingérence humanitaire est apparue avec le développement de l’action humanitaire et des opérations menées par les O.N.G. (organisations non gouvernementales). On peut définir le principe du devoir d’ingérence humanitaire comme l’invocation, à l’encontre de la légalité des souverainetés nationales, de la légitimité des solidarités humaines. C’est au nom de ce principe que des organisations humanitaires commencèrent à revendiquer le droit de franchir des frontières clandestinement pour rejoindre, au Kurdistan d’Iran, en Afghanistan, au Salvador, en Érythrée et ailleurs, des peuples que la guerre isolait du monde. C’est au nom de cette exigence morale qu’elles se sont arrogé le droit de dénoncer les gouvernements coupables d’atteintes massives aux principes humanitaires et aux droits de l’homme.Quant au droit d’ingérence humanitaire, en théorie c’est la reconnaissance par la communauté des États de la supériorité de cette légitimité sur la légalité internationale. Mais, en pratique, il s’agit d’une illusion politique et d’une fiction juridique. Illusion politique, car l’ingérence — qui implique l’action de s’installer dans un pays contre la volonté de son gouvernement — ne désigne que des situations où l’État est effondré, ou vaincu: l’Irak après la «Tempête du désert», la Somalie où nul gouvernement ne pouvait affirmer une quelconque souveraineté, la Bosnie où les troupes de l’O.N.U. font la charité alors que Sarajevo attendait la justice. Fiction juridique, car les résolutions 43/131 (en 1988) et 45/100 (en 1990) de l’O.N.U., dont on dit parfois qu’elles consacrent ce droit, ne font que reconnaître — ce qui est positif — le rôle des O.N.G., après avoir rappelé dans la majorité de leurs attendus le caractère primordial de la souveraineté nationale et le rôle prioritaire des gouvernements des pays concernés dans l’organisation des secours à leurs populations. L’O.N.U., qui s’est construite sur le principe de la non-ingérence, ne pouvait consacrer le principe inverse.Si le droit d’ingérence humanitaire ne relève au fond que de l’antiphrase, la pression globale des opinions publiques, via les médias, a considérablement élargi, depuis la fin des années 1970, le champ d’intervention humanitaire: jamais dans l’histoire autant d’organismes d’aide n’ont secouru autant de personnes. Loin de refléter l’augmentation des besoins, ce phénomène illustre à la fois l’essor et la reconnaissance internationale du mouvement humanitaire. C’est là, pour le meilleur en général, mais parfois pour le pire, que réside la véritable nouveauté.
Encyclopédie Universelle. 2012.